Le 22 octobre 2025, sous la présidence de la cheffe de la SRH, s’est tenu un groupe de travail qui, à première vue, aurait pu sembler technique. À l’ordre du jour : les concours et la formation des techniciens supérieurs du ministère de l’Agriculture (TSMA). Mais derrière les échanges précis, les chiffres, les procédures, c’est une question autrement plus vaste qui s’est dessinée : quelle fonction publique voulons-nous pour demain ?
L’Alliance du Trèfle est venue avec vos inquiétudes et nos propositions, a rappelé ce que chacun pressent : le modèle actuel s’essouffle. Les concours, jadis perçus comme un rite républicain incontestable, peinent à attirer. Les viviers se réduisent, les profils se ressemblent et les jeunes diplômés se détournent d’une fonction publique jugée trop rigide, parfois opaque, souvent décourageante. Les missions, elles, évoluent à grande vitesse : il ne s’agit plus seulement de maîtriser des savoirs techniques, mais de dialoguer avec les territoires, d’accompagner la transition agroécologique, de gérer des crises sanitaires, de piloter des projets numériques.
Or les épreuves continuent de mesurer l’ancien monde, quand le terrain réclame déjà le nouveau.
Les représentants syndicaux l’ont dit sans détour : l’attractivité est en berne, et les affectations, trop souvent éloignées des bassins de vie, alimentent désistements et démotivation.
La formation, censée corriger les écarts, homogénéise sans transformer. Elle rattrape, mais elle ne projette pas. Elle ne donne pas encore à ces agents la capacité d’innover, de se projeter, de devenir les acteurs d’une administration en mouvement.
Face à ce constat, la cheffe de la SRH a rappelé la volonté du ministère d’ouvrir une séquence nouvelle. Les méthodes de travail proposées – séminaires de réflexion, ateliers thématiques, séquences préparatoires – traduisent une ambition : associer les syndicats, les employeurs, les experts de terrain, pour bâtir une stratégie de recrutement à cinq ans.
Sortir de la gestion au fil de l’eau, anticiper les besoins, territorialiser les affectations, redonner souffle et sens à un corps qui ne demande qu’à être reconnu.
L’Alliance du Trèfle ne peut qu’y souscrire !
Mais la question demeure : jusqu’où ira cette ambition ? Car les freins sont puissants. Le statut, garant de l’égalité républicaine, résiste à toute tentative d’adaptation trop fine. Les crises, qu’elles soient climatiques, sanitaires ou géopolitiques, rendent toute planification fragile. Et les débats, souvent enfermés dans des formats trop courts, risquent de produire des constats convenus plutôt que des décisions courageuses.
Pourtant, ce matin, quelque chose s’est joué.
Dans la confrontation des points de vue, dans la lucidité des diagnostics, dans la volonté partagée de ne pas se contenter de demi-mesures, on a senti poindre une exigence nouvelle.
L’Alliance du Trèfle a souligné l’importance de refonder le référentiel de compétences, intégrer les aptitudes transversales, reconnaître la valeur de la médiation, du numérique, de la gestion de crise. Elle a rappelé que l’attractivité ne se décrète pas par des slogans, mais qu’elle se construit par un contrat d’engagement renouvelé : conditions de travail, perspectives de carrière, reconnaissance symbolique.
La présidence de séance a pris acte des demandes, en soulignant que la territorialisation des concours et des affectations pourrait devenir un levier décisif. Non seulement pour réduire les désistements, mais aussi pour renforcer la présence de l’État dans les territoires, là où se joue la crédibilité de l’action publique.
La formation, elle aussi, doit changer de nature : passer d’un correctif à un levier stratégique, offrir des parcours certifiants, ouvrir des passerelles vers les corps A, donner aux agents la possibilité de se projeter dans une carrière ascendante.
Au fond, ce groupe de travail n’a pas seulement produit des constats. Il a ouvert une brèche. Il a montré que la réforme des concours et de la formation des TSMA n’est pas seulement une affaire technique, mais aussi une question politique.
Car refonder ces dispositif, c'est :
La question, désormais, est simple :
L’État veut-il rester gestionnaire de flux, ou redevenir visionnaire ?
La réponse ne se lira pas seulement dans les procès-verbaux des séquences préparatoires, mais dans la capacité à transformer ces débats en réformes effectives.
Car au bout du compte, quand l’État recrute, ce n’est pas seulement des agents qu’il engage, c’est l’avenir qu’il dessine.
